Rougeurs, boutons, peau grasse… L’acné reste un fléau dermatologique courant, touchant une majorité d’adolescents et une part non négligeable d’adultes. Si les traitements existent, l’efficacité des antibiotiques diminue avec le temps, en raison de la résistance bactérienne croissante. Et si la solution venait… des abeilles ?
Une équipe de chercheurs marseillais, dirigée par Jean-Michel Brunel (Inserm, Aix-Marseille Université, Institut de recherche biomédicale des armées), vient de démontrer le potentiel antibactérien de certaines propolis récoltées au Rwanda contre Cutibacterium acnes, la bactérie responsable de l’acné. Une avancée prometteuse qui pourrait révolutionner les traitements dermatologiques naturels.
L’acné, une maladie bien plus complexe que des boutons
Qu’est-ce que l’acné ?
L’acné est une affection cutanée inflammatoire chronique des follicules pilosébacés, causée par une surproduction de sébum et l'obstruction des pores. Elle est souvent aggravée par la prolifération de C. acnes, une bactérie naturellement présente sur la peau, mais qui devient pathogène lorsque les conditions sont favorables.
Causes principales
Hyperproduction de sébum, stimulée par les hormones androgènes à la puberté.
Obstruction des pores (comédons, points noirs).
Inflammation locale, souvent exacerbée par l’action de C. acnes.
Facteurs hormonaux, stress, alimentation riche en sucres ou produits laitiers.
Prédisposition génétique.
Symptômes acnéiques
Boutons rouges enflammés, comédons (points noirs et blancs) voire kystes douloureux.
Zones touchées : surtout le visage, mais aussi le dos, la poitrine, parfois les bras.
Qui est concerné par l'acné ?
80% des adolescents sont touchés à des degrés divers.
L’acné persiste parfois à l’âge adulte, notamment chez les femmes (fluctuations hormonales).
Elle peut aussi apparaître chez les nourrissons ou les adultes, selon les cas.
Quel impact l'acné a-t-elle au quotidien ?
Estime de soi fragilisée, repli social, anxiété, voire dépression.
Lésions physiques parfois douloureuses.
Risques de cicatrices permanentes sans traitement adapté.
La propolis : un bouclier naturel… et prometteur contre l'acné
La propolis est une substance résineuse fabriquée par les abeilles à partir des sécrétions de plantes locales. Elle leur sert à colmater les interstices de la ruche tout en protégeant la colonie grâce à ses propriétés antimicrobiennes et anti-inflammatoires. Sa composition varie en fonction de l’environnement végétal — chaque propolis est unique.
C’est cette diversité qui a intéressé le laboratoire Inserm de Jean-Michel Brunel à Marseille. Le chercheur a constitué une impressionnante collection de près de 200 échantillons de propolis provenant de différents pays, dont deux récemment collectées dans les forêts primaires du Rwanda, connues pour leur richesse botanique.
Des molécules actives identifiées contre C. acnes
En exposant plusieurs souches bactériennes à ces propolis rwandaises, les chercheurs ont observé une inhibition significative de la croissance de Cutibacterium acnes. Deux molécules spécifiques ont été isolées et identifiées comme responsables de cet effet antibactérien :
Le 2,4‑Di-tert-butylphénol (2,4‑DTBP) : un dérivé phénolique présent dans la première propolis.
L’acide linoléique : un acide gras aux propriétés anti-inflammatoires, détecté dans la seconde propolis.
Les résultats ont été confirmés in vivo : après inoculation de C. acnes chez des souris, l’application de propolis contenant du 2,4‑DTBP a réduit l’inflammation et accéléré la disparition des lésions cutanées.
Une crème testée chez l’humain
Grâce à un partenariat avec un dermatologue, une crème expérimentale contenant l’une des propolis actives a été testée chez plusieurs patients volontaires souffrant d’acné.
Résultat : une réduction notable de la sévérité des lésions en quelques jours. Une preuve de concept encourageante qui ouvre la voie à des essais cliniques plus larges.
Pourquoi cette découverte pour soigner l'acné compte ?
Actuellement, les acnés modérées à sévères sont souvent traitées par des antibiotiques comme l’érythromycine ou les tétracyclines. Mais leur usage prolongé favorise le développement de souches résistantes. Dans certains pays européens, 60 à 92% des patients présentent une forme de résistance, limitant fortement l’efficacité des traitements classiques.
C’est dans ce contexte que l’intérêt pour des alternatives naturelles et efficaces comme la propolis prend tout son sens. En plus de ses propriétés antibactériennes, elle offre une action anti-inflammatoire intéressante — un atout précieux dans le traitement des lésions acnéiques.
Et maintenant ?
Jean-Michel Brunel poursuit ses travaux sur d’autres propolis, notamment françaises, en les testant sur C. acnes mais aussi sur d’autres agents pathogènes responsables d’infections cutanées, de caries ou d’angines. Autant de maladies pour lesquelles des traitements naturels sous forme de pommades ou sprays seraient faciles à concevoir.
En combinant nature et science, la propolis rwandaise révèle un potentiel insoupçonné contre une maladie aussi banale que perturbante. Si des essais cliniques le confirment, ce trésor des ruches pourrait bien devenir l’un des traitements de demain contre l’acné, et pourquoi pas d'autres infections dermatologiques. Une nouvelle preuve que la biodiversité — notamment celle des zones encore préservées — peut être une source précieuse d’innovations médicales !
Références scientifiques
F. Rouvier et coll. (2024). Identification of 2,4‑Di-tert-Butylphenol as an Antimicrobial Agent Against Cutibacterium acnes Bacteria from Rwandan Propolis. Antibiotics, 13 novembre 2024. DOI :10.3390/antibiotics13111080
F. Rouvier et coll. (2025). Linoleic Fatty Acid from Rwandan Propolis: A Potential Antimicrobial Agent Against Cutibacterium acnes. Current Issues in Molecular Biology, 27 février 2025. DOI :10.3390/cimb47030162
Source : https://www.inserm.fr/actualite/acne-la-propolis-comme-nouveau-traitement/